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RFI : L'histoire et le périple du deuxième Bataillon de marche de l'Oubangui-Chari

23 Décembre 2010 , Rédigé par francaislibres.over-blog.com Publié dans #1ere DFL

Un article de RFI sur le BM 2 :

http://www.rfi.fr/tirailleurs/20101222-histoire-deuxieme-bataillon-marche-tirailleurs-africains

par Guillaume Favier/Alliance française de Bangui

 

 

L'histoire du deuxième bataillon de marche de l'Oubangui-Chari est la parfaite illustration de ce que les historiens de la Seconde Guerre mondiale définissent comme la guerre de mouvements. De 1940 à 1945, les tirailleurs du BM2 ont contourné et traversé l'Afrique plusieurs fois à la recherche de l'ennemi. Nommée Compagnon de la Libération en septembre 1942, l'unité s'est illustrée à la bataille de Bir-Hakeim et sur le front de l'Atlantique. 

  

L’A.E.F. et l’Oubangui

En 1939, l’Oubangui-Chari fait partie de l’Afrique équatoriale française (AEF), groupe de territoires comprenant : le Gabon, le Moyen-Congo, l’Oubangui-Chari, le Tchad, auxquels se rattache le Cameroun qui est territoire sous mandat français depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Cet immense territoire est administré par un gouverneur général installé à Brazzaville, la capitale fédérale. La communication est très difficile entre les différents gouverneurs. Aucune route n’existe entre Brazzaville et Bangui, seul le fleuve Congo et son affluent l’Oubangui permettent le lien commercial entre les deux villes.
Il n’y a pas non plus de ligne téléphonique entre les territoires, mais des liaisons radiotélégraphiques qui sont peu nombreuses et précaires. Par la force des choses les territoires vivent à peu près en circuit fermé : Bangui compte environ 30 000 habitants, dont 2 000 colons européens.
L’organisation militaire correspond dans ses grandes lignes à l’organisation administrative : un commandant supérieur des troupes de l’AEF à Brazzaville, des chefs de bataillon commandants militaires dans chacun des territoires.

Le gouverneur de Saint-Mart administre l’Oubangui-Chari tandis que le chef de bataillon Commas commande la subdivision militaire et le Bataillon de tirailleurs de l’Oubangui (BTO) Cette unité comprend un Etat-major au camp du Tchad à Bangui, un service de santé, un service de l’intendance, une section d’artillerie de montagne, une escadrille d’aviation militaire et quatre compagnies détachées de 130 hommes chacune (camp du Kassaï à Bangui, postes de commandement à Berbérati, Bouar et Bria).

Le 3 septembre 1939, à la déclaration de guerre, les militaires préparent la mise sur pied d’une unité de marche, c’est alors la mobilisation du Bataillon de tirailleurs sénégalais de l’Oubangui-Chari.

En mars 1940, les jours s’éternisent malgré l’activité consacrée à l’entraînement des unités en vue du combat. Les cadres multiplient les démarches pour un rapatriement rapide qui leur permettrait de participer à la Campagne de France. Ces demandes sont refusées à maintes reprises et l’on apprend le 14 juin la prise de Paris par les troupes allemandes.

Les prémices du ralliement

L’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940 reste ignoré. Les militaires ne disposent d’aucun poste privé, seuls deux postes de service assurent les liaisons avec Brazzaville et le reste de l’AEF. Le gouverneur de Saint-Mart préconise la patience afin que «la voix des forces d’Outre mer soit unanime» (discours du 7 juillet 1940).
Le 26 août, le Tchad annonce sont ralliement à la France Libre, le 27 août c’est au tour du Cameroun de se déclarer. Le 29, un télégramme annonce la prise de pouvoir du colonel de Larminat, délégué du général de Gaulle, en tant que commandant supérieur des troupes de l’AEF à Brazzaville. Le 30 août au matin, le gouverneur annonce officiellement le ralliement de l’Oubangui-Chari à la France Libre.

Le commandant militaire Commas cherche à faire échouer le ralliement mais les commandants des postes militaires de Bouar et de Berbérati, les capitaines de Roux et Amiel, interviennent sans faire verser le sang. Le capitaine de Roux prend le commandement militaire de l’Oubangui-Chari le 11 septembre, suite au rapatriement de l’ancien comandant Commas.

Naissance du BM 2

Les mouvements de ralliement ne furent pas coordonnés mais cependant ils restèrent spontanés. Le général de Gaulle (au tout début) n’était pas connu, les liaisons étaient difficiles, presque inexistantes. Cependant le 23 octobre, le chef de la France Libre arrive à Bangui en provenance de Douala. Il est acclamé et passe les troupes en revue. Pour le commandant de Roux, il s’agit maintenant de mettre sur pied une unité de marche destinée à participer aux combats futurs de libération. Il fait appel à de nouveaux réservistes afin de compléter les unités, il garde à l’esprit le souci de ne pas désorganiser l’économie du territoire. Il forme le 1er novembre 1940, la nouvelle unité opérationnelle baptisée 2ème Bataillon de marche de l’Afrique équatoriale française, le BM 2.
Son commandant est le chef de bataillon Robert de Roux. Cet officier, né en novembre 1899, engagé volontaire de la guerre 1914-1918, sert dans l’infanterie coloniale. Il séjourne en Pologne (de Gaulle y sera son capitaine), en Indochine et au Maroc. Il est alors nommé commandant militaire du Togo, puis capitaine commandant du poste militaire de Bouar en 1939. Son second est le capitaine Henri Amiel de l’infanterie coloniale.

Jusqu’en décembre, la compagnie suit un entraînement intensif : piste d’obstacles, compétitions sportives, corps à corps (certains jours, l’unité présente une majorité d’éclopés), tirs et armement (démontage, remontage yeux bandés où se révèlent les virtuoses et les tireurs d’élites toutes armes – ils sauveront plusieurs fois la compagnie, et même le bataillon, de situations désespérées). Aux exercices de combat classiques succèdent ceux de guérillas, la forêt s’y prête; des manœuvres de plusieurs jours, avec passages de rivières à la nage et sur ponts de radeaux, etc.

Le gros de la troupe est constitué par les tirailleurs recrutés en Oubangui : Gbaya de Bouar et de Bozoum, Banda de Bria, Sara de Fort-Archambault (Ndjamena), quelques Bas-Congo de la région de Brazzaville et un petit nombre de Camerounais. A la place du français, ignoré de beaucoup de tirailleurs, c’est le sango qui est utilisé, il est parlé par la plupart des Européens.
Aux approches de Noël 1940, le BM 2 est rassemblé à Bangui, prêt au départ. Il reçoit son fanion : franges dorées, le noir et le bleu marine sont les couleurs des troupes coloniales. L’ancre d’or est celle des troupes de marine. Le drapeau français tricolore accueille la croix de Lorraine, emblème de la France Libre.

 

BM2_BH_0.jpg

 

Chronologie

1941
4 janvier : départ de Bangui à bord de trois bateaux mené par le « Fondère ».
17 janvier : débarquement à Pointe-Noire pour instruction, tirs et manœuvres.
7 février : embarquement sur le S/S Touareg vers Capetown.
3 mars : arrivée à Freetown en Sierra Leone. Le BM2 transborde sur le S/S Thysville, départ le 8 mars.
26 mars : arrivée à Durban où ils croisent des rapatriés d’Indochine, 63 hommes vont se joindre à eux.
1er avril : départ pour Suez et arrivée le 23 avril, installation en Palestine, au camp de Qastina pour instruction.
26 mai : le général De Gaulle passe les troupes en revue et remet la croix de la Libération, nouvellement créée au bataillon.

Le BM 2 intègre alors la 1ère division des Forces françaises libres, composée de :
- Deux demi-brigades d’infanterie, artillerie divisionnaire et services annexes.
Infanterie divisionnaire dirigée par le colonel Monclar et le colonel Koenig (adjoint)
- 1ère demi-brigade
- Légion Etrangère
- BM 1 (Congo)
- BM 2 (Oubangui-Chari)
- 2e demi-brigade
- Bataillon d’infanterie de marine
- BM 3 (Tchad)
- BM 4 (Cameroun)
- Artillerie
- Chars

9 juin : premier contact avec la réalité de la guerre contre une escadrille française vichyste près de Damas.
30 juin : fin des affrontements au pays du Levant (Liban et Syrie)
9 août : passage en revue du BM 2 par le général de Gaulle à Alep.
12 août : le commandant de Roux est promu lieutenant-colonel. Le bataillon est renforcé et réorganisé, des arméniens, des libanais et des syriens se joignent au BM 2.
25 septembre : le capitaine Amiel est nommé chef de bataillon.

 

Le combat de Mayadine

26 septembre : la 5ème compagnie du BM 2 se dirige vers Mayadine pour porter secours à des sections dispersées de la 13ème demi-brigade de la Légion étrangère.
29 septembre : la 5ème compagnie est en position de défense dans un bâtiment de gendarmerie, à 8 heures un convoi de ravitaillement qui arrive tombe dans une embuscade tendue par des bédouins à un kilomètre du bâtiment. Les bédouins assiègent alors la gendarmerie aux alentours de 14 heures mais la compagnie reste.
L’adjudant-chef Koudoukou s’affirme et impressionne tous ses compagnons, quelque soit l’arme qu’il utilise il fait mouche. Le combat est intense jusqu’aux environs de 23 heures, les coups de feu reprennent à 6 h 30 le lendemain matin.
1er octobre : l’affrontement cesse définitivement, on compte 15 morts dans les rangs français libres et environ 150 parmi les rebelles bédouins.

 

26 novembre : le BM 2 arrive à Tartous et l'entraînement au combat reprend en vue de participer aux opérations contre les allemands et les italiens. Un supplément d'armement est perçu.
Deuxième quinzaine de décembre : le chef de bataillon Allegrini, commandant du B.M. 3 propose à son camarade de promotion, le chef de bataillon Amiel, une manoeuvre entre leurs deux bataillons. A peine la manœuvre commencée, le général de Larminat se poste aux côtés d'Amiel pour assister à l'entraînement. Le BM 2 sort vainqueur de l'exercice, le général s'en va ensuite sans un mot. Amiel va en rendre compte au lieutenant-colonel de Roux qui est furieux de ne pas avoir été informé des manœuvres de son bataillon, il proteste auprès de l'État-major mais à la surprise le BM 2 est définitivement choisi pour participer à la campagne de Libye.
L’adjudant Koudoukou est promu au grade de sous-lieutenant.

28 décembre : le BM 2 quitte la Syrie, 29 décembre à Haïfa (Palestine), 30 décembre à Gaza (Egypte), 1er janvier au Caire : «les pyramides et le sphinx sont maussades dans l’air glacial et dépoétisés à travers l’immense terrain vague du sable gris».

 

1942
4 janvier : le BM 2 s’arrête quelques jours à El Daba après un voyage de 8 jours et plus de 1 200 kilomètres parcourus. Il reçoit du nouveau matériel (véhicules, armes, munitions, habillement, équipement, tentes).
Le bataillon est incorporé à la 1ère brigade française Libre sous le commandement du général de Larminat. Le lieutenant-colonel de Roux dirige la 2e demi-brigade coloniale qui comporte le BM 2 et le 1er bataillon du Pacifique.

L’effectif du BM 2 est de 642 hommes, il est dirigé par le commandant Amiel.
Le général d’armée Catroux remet la Croix de guerre des TOE. (Théâtres d’opérations extérieures) à la 5e compagnie du BM 2 pour ses efforts à Mayadine.
13 janvier : le BM 2 quitte son camp et se dirige vers la Libye. L’opposition aux troupes italo-allemandes consiste à effectuer «des replis élastiques sur des positions préparées à l’avance». Il faut enrayer l’avancée allemande par à coup, les troupes franco-britanniques ne disposent pas d’une puissance de feu suffisante pour s’opposer directement à ses ennemis.
30 janvier : le BM 2 arrive à El Mechili où il attend les troupes de Rommel annoncées quelques jours plus tôt à quelques kilomètres de là. Le bataillon est relevé deux semaines plus tard par une unité anglaise, direction Bir-Hakeim.

Bir Hacheim en français, Bir-Hakeim en anglais ou Bir Hakim en arabe.

 BM2_sousofficier_0.jpg

La bataille de Bir Hakeim

14 février : ce point d’eau (Bir signifiant puit) se situe à l’extrême sud du dispositif allié, en plein désert.

Bir-Hakeim est le point de résistance grâce auquel la 8e armée britannique peut s’appuyer pour se reformer à la suite de sa déroute devant les troupes de l’Afrika Korps. Cette position est donc cruciale, elle est à tenir coûte que coûte. Les troupes de Rommel ne peuvent pas contourner simplement l’emplacement afin de ne pas risquer de laisser des ennemis dans leurs arrières.
15 février : le BM 2 arrive à destination, les soldats se chargent du terrassement afin de pouvoir mettre en place une défense optimale. Les réserves d’essence et d’eau sont enterrées pour ne pas être détruites lors de bombardements. Des champs de mines sont installés sur tous les points d’accès, environ 25 mines sont placées sur chaque décamètre carré. La mine utilisée est la mine égyptienne qui se déclenche par une pression de 80 à 100 kg minimum. Des mines antipersonnel viennent compléter le dispositif. La roche omniprésente dans le reg ne permet pas la construction de fossés et d’obstacles.
Au cours des mois qui suivent, sur ordre du général de Larminat toutes les unités ont creusé sans relâche le sol afin que le terrain ne dévoile aucune installation de défense, c’est ainsi que les soldats étaient à l’abri des bombes, des obus et des balles. Plus tard, à force de voir ses unités se faire massacrer, le général Rommel les a appelés «les fantômes de Bir-Hakeim».
Cependant semaine après semaine les gardes, les postes de guets, la manipulation et l’entretien des armes, le manque de véritable exercice ou de moments de détente engendrent une monotonie d’autant plus lassante pour le corps et l’esprit qu’elle s’exerce à travers un paysage désolé.
26 mai : l’avancée allemande est confirmée, une colonne dirigée par le commandant Amiel va permettre de freiner les troupes de Rommel qui ne parcouront qu’une quarantaine de kilomètres dans la journée.
27 mai : 80 chars de la division blindée italienne attaquent, canonnent et mitraillent la position. Pendant deux jours, le BM 2 les contient et finit par mettre en déroute les Italiens, seuls deux blessés légers pour les Français alors que les Italiens dénombrent morts, blessés et prisonniers.
28 mai : les troupes Italo-allemandes ont débordé Bir-Hakeim, il s’agit donc pour les français de se montrer le plus agressif possible (harceler les unités isolées, détruire le matériel, faire des prisonniers, parasiter les communications et empêcher le ravitaillement). En somme, augmenter l’hostilité et l’inquiétude pour que Rommel en tienne compte et qu’il ralentisse son avancement sur les troupes britanniques en déroute.
2 juin : le général Rommel envoie deux soldats italiens parlementer avec les forces présentes à Bir-Hakeim, il leur propose de capituler, sans quoi ils seront tous exterminés. Le général Koenig refuse.
3 juin : le bombardement et l’artillerie allemands redoublent d’intensité pendant toute la journée.
4 juin : les bombardements perdurent. Des combats aériens s’engagent entre les chasseurs allemands et britanniques.
5 juin : les munitions, les vivres et l’eau s’épuisent, les troupes de Bir-Hakeim seront néanmoins ravitaillées par un convoi anglais.
7 juin : pour que l’ennemi ne puisse saisir le sens des communications secrètes, les cadres des compagnies du BM 2 communiquent en utilisant le sango.
8 juin : un nouveau convoi de ravitaillement perce les lignes ennemies et forcent le siège. La ration d’eau est réduite à 1 litre par jour, après un bombardement une citerne d’eau est touchée et c’est ainsi que 200 litres seront perdus. La ration passe alors d’un quart de litre avant le lever du soleil et d’un autre quart après son coucher.
9 juin : le quotidien est toujours le même, les bombardements se perpétuent, les déminages et reminages se succèdent, plusieurs actions d’éclat des cadres et des troupes du BM 2 permettent à toute la demi-brigade de se maintenir à son poste et de contenir l’avancée allemande.
10 juin : cela fait maintenant 15 jours et 15 nuits que le siège de Bir-Hakeim a débuté. Les soldats exténués tiennent toujours, cependant les vivres et les munitions s’amenuisent et le dernier convoi de ravitaillement a été un échec. Vers 21h, un messager vient remettre au commandant du BM 2 l’ordre de repli du général Koenig. A peine le message reçu les préparatifs commencent, tout le matériel ne pouvant être emporté est détruit sans bruit.

11 juin : le BM 2 à la responsabilité de former l’arrière-garde de la retraite, il ne quitte Bir-Hakeim qu’à 3h du matin. Les blessés et quelques cadres sortent à bord des véhicules, des chars anglais Brenn-Carrier. La majorité sort à pied : pistolet au point, fusil ou mitraillette sous le bras, grenade prête à être lancée, chacun fonce droit devant lui, accordant ses mouvements au rythme syncopé du tir ennemi. Le commandant Amiel en fait partie. A un moment se croyant perdu, il ôte son képi et ses galons, s’il est pris, il pourra se faire passer pour un homme de troupe. Il est récupéré par des troupes sud-africaines comme de nombreux hommes du BM 2 qui auront erré toute la journée vers le point de rendez-vous.
A 7h du matin, 2 000 hommes sur les 3 700 que compte la 1ère brigade française libre ont déjà rejoint le point de rendez-vous, au soir ils seront 3 000. Le BM 2 a perdu 8 officiers sur 30 dont le sous-lieutenant Koudoukou mort de ses blessures et 254 sous-officiers et hommes de troupe sur les 682 présents le 7 juin à Bir-Hakeim.
40 % de l'effectif du BM 2 est tombé au combat à Bir-Hakeim, la 7e compagnie (la plus touchée) est dissoute et ses unités sont réparties dans les autres compagnies.
La résistance des Français libres à Bir-Hakeim va redorer une partie de l'honneur perdu et offre aux Britanniques certaines garanties quant à la fidélité de ces Français.

Le général Catroux, Commandant en chef des Forces Françaises Libres du Moyen-Orient :

Soldats de Bir-Hacheim,

Par ces actions mémorables, vous avez réouvert le Livre des fiertés nationales, clos depuis l’Armistice de 1940, où la France a, de tout temps, inscrit les titres de gloire de ses soldats. L’univers entier y lit le nom de Bir-Hacheim, hier inconnu, et exalte la vaillance de ceux qui l’ont rendu célèbre. La France ranime sa foi et son espérance à la flamme de votre héroïsme. Vos camarades britanniques vous prodiguent les marques de leur admiration. Et l’ennemi mesure l’échec que votre longue et ferme résistance a infligé aux plans orgueilleux qu’il méditait.
Honneur à vous en qui a revécu pour l’orgueil de la France et l’édification du monde, l’esprit de Verdun. Et gloire immortelle à vos Morts tombés généreusement en holocauste pour la rédemption de la Patrie.

De Londres, le général de Gaulle envoie le télégramme suivant :

Peu à peu, invinciblement, la France combattante émerge de l’océan qui s’acharnait à la recouvrir, et le monde y reconnaît la France. Quand, à Bir-Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France.
Général Koenig, sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil.

 

 

 

Le général Rommel a perdu 15 jours devant Bir-Hakeim et compte les reprendre, il s’empare de deux autres postes le 12 et le 17 juin, inflige une défaite aux britanniques et se dirige vers Tobrouk. Les combats ne sont pas terminés.

27 juin : le BM 2 remet ses cartes et le reste de son matériel au BM 5, essentiellement composé de Camerounais.
2 juillet : il est décidé que le BM 2, après un séjour au Levant (Liban et Syrie), sera dirigé sur l'Afrique équatoriale française. Les tirailleurs y bénéficieront d'un congé d'un mois et le bataillon sera reconstitué, il regagnera alors la 1ère Division française libre.
21 juillet : le bataillon quitte Le Caire pour une arrivée à Beyrouth le 22. Le même jour, le tribunal de Vichy condamne Amiel et de Roux «à la peine de mort, à la dégradation militaire et à la confiscation de leurs biens présents et à venir au profit de la Nation, pour intelligence avec une puissance étrangère et acte de nature à nuire à la Défense nationale».
12 août : le général de Gaulle passe en revue le BM 2.
28 août : le lieutenant-colonel de Roux meurt dans un accident d'avion alors qu'il se rendait à Beyrouth.
29 août : le général de Gaulle s'avance devant le fanion du BM 2 et prononce d'une voix forte : «Bataillon de Marche n°2 de l'Oubangui, nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la Libération de la France dans l'honneur et par la victoire».
Il décore ensuite de la croix de la Libération le chef de bataillon Amiel et entre autre, l'adjudant-chef Mouniro (tirailleur d'origine Tchadienne) et le tirailleur de 1ère classe Koudoussaragne (d'origine Oubanguienne).
Pendant les mois qui suivent, le bataillon continue de s'entraîner durement et voit le départ pour Bangui repoussé semaines après semaines. Le moral reste cependant assez bon.

1943
Le BM 2 ne se rend pas tout de suite en Oubangui, il doit d'abord faire halte quelques temps à Madagascar pour favoriser la réorganisation des forces militaires de l'île. Le 3 janvier le bataillon prend le train en direction du Suez où il restera cantonné près d'un mois pour le plus grand mécontentement des tirailleurs qui n'en peuvent plus de rentrer chez eux.
1er février : Madagascar vient de passer sous le contrôle de la France combattante après la prise de possession par l'armée britannique à la suite de l'armistice de juin 1940.
21 février : débarquement à Tamatave sur la côte est de l'île, train pour la capitale Tananarive, entraînements et manœuvres sont au programme.
11 juin : le bataillon reprend le train en direction de Tamatave. Soixante-dix jeunes volontaires français de Tananarive rejoignent l'effectif, accompagnés par deux de Tamatave et quatre de l'île de la Réunion.
Ce n'est que le 6 septembre que le bataillon embarque pour la ville de Dar-es-Salaam, province britannique du Tanganyika (actuelle Tanzanie).
25 septembre : voyage ferroviaire de Dar-es-Salaam à Kigoma sur les rives du lac Tanganyika. De l'autre côté c'est le Congo belge (actuelle RDC), traversée du lac le 3 octobre pour atteindre Albertville (actuelle Kalemie), le train et les barques fluviales sont nécessaires pour rejoindre Stanleyville (Kisangani) et c'est en camion que le bataillon arrive sur les rives du M'Bomou (Oubangui-Chari) le 15 octobre.
19 octobre : les 700 kilomètres qui séparent Bangassou de Bangui sont avalés en quatre jours de camion. Après un mois et demi de voyage depuis Madagascar, les troupes sont cantonnées au Camp Kassaï avant de faire officiellement leur entrée dans Bangui le dimanche 24 octobre 1943.
26 octobre : les tirailleurs reçoivent leur permission bien méritée de 30 jours. Le titulaire de la croix de la Libération, Mouniro reçoit officiellement sa promotion au grade de sous-lieutenant.
1er décembre : compte tenu des délais de route, certains tirailleurs ne rejoignent Bangui que début décembre mais tous vont se représenter à l’appel. Le premier mois de reconstitution de l’effectif cherche à donner au bataillon une cohésion et une certaine valeur au combat.

1944
Mars : un détachement du BM 2 se rend à Berbérati où un monument aux morts est élevé pour rendre hommage aux combattants de Mayadine.
21 mars : le bataillon embarque sur de vieux bateaux à aubes et quitte Bangui pour la seconde fois. La descente de l’Oubangui et du Congo est pénible, beaucoup de tirailleurs tombent malades et certains meurent, arrivée à Brazzaville le 2 avril. Jusqu’au départ, le BM 2 continue son entraînement et ses manœuvres, de nombreux concours sportifs inter compagnies sont organisés.
24 juillet : pour ne pas éveiller l’attention des sous-marins allemands qui peuplent les eaux au large de Pointe-Noire, le BM 2 embarque vers 1h du matin sans un seul adieu à la population. Peu avant l’aube, le navire est hors de portée des torpilles allemandes, à son bord figurent 133 Européens et 813 Africains.
20 août : au moment où Paris est libérée par la 2e division blindée du général Leclerc, le BM 2 débarque à Casablanca. Alors qu’ils pensaient la France proche, s’ensuit alors une interminable attente. Un détachement embarque pour la France le 3 novembre pour aller plaider le «droit de combattre» du bataillon à Paris. Les efforts des officiers pour que le bataillon soit appelé aux combats portent leurs fruits.

1945
1er janvier
: un premier détachement se dirige vers Alger, embarque le 11 et débarque à Marseille le 15 janvier.

4 janvier : le gros du bataillon se dirige en train vers Oran et embarque le 15 janvier, pour la première fois le BM 2 quitte le sol africain et débarque à Sète le 20 janvier. Sous la neige, les tirailleurs quittent Sète le 21.
31 janvier : le bataillon arrive à proximité de Royan et entre en opération. L’armée allemande a installé dès 1940 des bases sous-marines sur les côtes françaises, elles forment une ligne continue de fortifications : c’est le Mur de l’Atlantique. En 1944, le mur est percé en Normandie par les troupes alliées, certaines troupes allemandes se réfugient dans les ports importants pour immobiliser des effectifs alliés et pour favoriser une éventuelle contre-attaque. Ces points d’appui résisteront de longues semaines, on les appelle des «poches», il s’agit de Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle, Royan, la Pointe-de-Grave, l’île de Ré et l’île d’Oléron.
3 février : le détachement parti en avance d’Alger, rejoint le gros des troupes avec des bagages lourds. Jusqu’au 24 mars le bataillon sera en charge d’effectuer de nombreuses patrouilles pour reconnaître le terrain et la puissance des forces ennemies près de Royan.
14 avril : début de l’offensive alliée de la poche de Royan. Le BM 2 rentre en action le 15. La 5ème compagnie est la première à intervenir à 12h50 en chargeant coupe-coupe à la main, les Allemands sont surpris et l’objectif est atteint dès 13h30. Les 6e et 7e compagnies ne sont pas en reste et remplissent également leurs objectifs. Toutes les trois sont de nouveau mobilisées et reprennent leur marche vers Royan, l’avancée est stoppée pendant un temps mais est appuyée par des renforts. Les Allemands tentent une contre-attaque sur l’arrière garde mais elle est refoulée immédiatement. La bataille fait rage et de nombreux soldats sont blessés. Cependant le BM 2 est le premier à rentrer dans la ville de Royan, il est près de 21 h. Il s’installe alors défensivement pour la nuit, ses pertes s’élèvent à 107 hommes (23 tués et 84 blessés). Le lendemain, le BM 2 est chargé d’effectuer le «nettoyage» d’une partie de la ville, il s’agit de sécuriser la zone. Le 17 avril, les troupes allemandes se rendent.
22 avril : le général de Gaulle passe en revue les troupes qui ont participé à l’attaque de Royan. Les tirailleurs du BM 2 ont fière allure avec leurs chéchias et leurs ceintures rouges. Le commandant Amiel reçoit des mains du général la Légion d’Honneur et le sergent-chef Doumbia reçoit, quant à lui la Médaille militaire.
30 avril : après quelques jours de répit le BM 2 reprend sa marche et se dirige vers la Rochelle. Dans cette poche il reste plus de 15 000 Allemands, plus de 150 canons, peu d’engins blindés motorisés mais énormément d’armes, de munitions et de vivres. La mission du bataillon, consiste à harceler les avant-postes ennemis pour reconnaître la valeur de leur résistance et leurs emplacements. Jusqu’au 6 mai ce type de mission se multiplie. Les troupes soviétiques prennent Berlin et l’Allemagne signe la capitulation le 8 mai 1945.
18 juin : un détachement du BM 2 marche en tête des forces françaises libres, conduites par le général de Larminat, sur les Champs-Elysées.

 

Le chemin d’une autre libération : celle du BM 2

Dès que les combats semblent définitivement gagné, l’Etat-major du détachement d’Armée de l’Atlantique, auquel appartient le BM 2 convoque le commandant Amiel pour l’informer de la création d’une demi-brigade de l’Atlantique chargé de maintenir l’ordre au Levant (Syrie, Liban) où l’armée française reste en difficulté. Amiel s’en étonne et précise à ses supérieurs que le «BM 2 est une unité de réservistes engagés pour la durée de la guerre. Ils demanderont donc leur démobilisation dès la cessation des hostilités». Le général de Larminat comprend cela et ne reparlera plus de l’avenir du BM 2.
Dans l’ensemble, les retours en AE.F des soldats du BM 2 se sont parfaitement passés, à l’exception d’un cas : un détachement est retenu à Dakar, les Africains furent dépouillés de la belle tenue qu’ils portaient avec élégance, ornée de décorations bien gagnées. Revêtus de hardes de toile usagée, sans souliers, mis à l’écart, ils ont commencé à s’en plaindre. Le lieutenant-colonel Amiel, prévenu télégraphiquement, a fait appel de cette décision à la direction des troupes coloniales qui a fait passer les ordres nécessaires. Habillés de neuf, en tenue de toile adaptée au climat, le détachement a quitté Dakar et poursuivi son voyage sans autre incident.
1er novembre 1945 : dissolution officielle du BM 2

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