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L’incroyable vie de Suzanne Leglise

18 Février 2011 , Rédigé par francaislibres.over-blog.com Publié dans #BCRA Résistance intèrieure


 

4 février 2011, JOURNAL FRANCE SOIR link

L’incroyable vie de Suzanne Leglise

Après avoir vu sa photo dans les médias, un lord anglais retrouve une Française de 86 ans, agent de renseignement de l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

« Je viendrai, juste pour voir Suzanne. » De la part de lord Ashdown, éminent sujet de Sa Grâcieuse Majesté, l’attention est flatteuse. L’homme n’est pas n’importe qui : Jeremy John Durham Ashdown, dit Paddy, ancien officier de la Royal Navy, haut représentant des Nations unies en Bosnie, homme politique et linguiste reconnu. Et sans doute ancien du MI6, les services secrets britanniques, ce qu’il n’a jamais reconnu.
Le pedigree de la femme qu’il vient voir, Suzanne Leglise  link  , n’est pas mal non plus : ancienne résistante et agent de renseignement de l’armée britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Dimanche dernier, lord Ashdown s’est donc rendu jusqu’à Nice pour rencontrer cette femme de 86 ans, unique survivante d’un réseau de résistants franco-britanniques qui a participé à une opération militaire d’envergure : la mission « Frankton ». C’est le hasard qui lui a permis de la retrouver. L’été dernier, Suzanne, installée dans l’arrière-pays niçois, a été victime d’un accident pendant une promenade (voir encadré). Elle a passé trois jours au fond d’un ravin, sans eau ni nourriture. Son aventure lui vaudra la une du quotidien Nice-Matin, ce qui permettra à Paddy de retrouver sa trace. L’aboutissement de nombreux mois de recherches. Dimanche, il est venu lui parler du temps où son nom de code était « Mouton ». 

A cette époque, en 1940, Suzanne Leglise s’appelle encore Suzanne Eboué. Elle est institutrice dans le Bordelais et vient d’entrer dans le réseau de résistants fondé par son père. Elle a 16 ans. Dans la famille, on connaît le sens du mot patriotisme : figure emblématique de la Résistance, Jean, le père, a fait ses armes à 16 ans au Chemin des Dames et aux Dardanelles, où il s’est fait enrôlé en mentant sur son âge. En 1939, hôtelier à Bordeaux, il monte l’Armée secrète (AS), un réseau de résistants. Bon sang ne sachant mentir, Suzanne découvre rapidement les activités de son père et exige d’y participer. Malgré son âge et le fait qu’elle soit une femme, Jean accepte. Elle commence comme « courrier », puis devient agent de renseignement. Marie-Louise, sa mère, les rejoint bientôt. Le réseau familial s’étend et, en 1941, l’armée britannique contacte Jean Eboué pour lui proposer d’intégrer l’Armée secrète aux Special Operation Executive, le bras armé de la résistance britannique. L’AS devient le réseau « Scientist », Suzanne continue son action et prend du grade. En 1942, un agent anglais, Victor Hayes, dit Charles le Démolisseur en hommage à sa qualité de spécialiste ès explosifs, est envoyé à Bordeaux, vraisemblablement pour mettre en place une « cellule action ». Suzanne tombe amoureuse et entre dans le dur du combat en participant à des sabotages. Avec la cellule française, elle aurait même participé en 1942 à l’opération « Frankton » : l’attaque des navires de l’Axe amarrés dans le port de Bordeaux et remplis de marchandises « anti-blocus ». L’opération est un succès mais décime les rangs des soldats anglais. Suzanne et « Charles » en réchappent et poursuivent leur combat et leur histoire d’amour.

En octobre 1943, la menace les rattrape. Jean Eboué soupçonne Desbouillons, un des membres de son réseau, d’être un agent double à la solde de l’occupant. Il a raison. Desbouillons parle, donne l’adresse de la famille Eboué à Lestiac. Jean, Marie-Louise, Suzanne et Charles sont encerclés par près de 80 membres de la Gestapo. A quatre ils leur tiennent tête toute la nuit, mais finissent par se rendre au matin. Le chef de la Gestapo leur accorde le statut de « prisonniers de guerre ». Marie-Louise est envoyée à l’hôpital militaire dont elle s’évade très vite. Jean est déporté à Buchenwald. Suzanne part au camp de Ravensbruck, où elle continue ses opérations de sabotage sur les obus qu’on lui demande de ranger. Elle s’en évade une semaine avant la Libération et repart à Bordeaux où ses parents la retrouvent. De Charles, elle n’aura plus aucune nouvelle.


« C’était une femme de guerre »

« C’était une femme incroyable, elle a vécu trente ans de guerre », témoigne son fils, Yves. Dimanche dernier, c’est une photo de Charles que Paddy Ashdown lui a montrée, espérant qu’elle l’aiderait à se souvenir. Mais Suzanne n’a pas voulu partager ses fantômes et le lord n’aura pas eu de détails. « J’étais venu pour la voir, je suis content », a-t-il dit en partant.

 

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Trois jours perdus dans la forêt

« Pendant son accident, elle a basculé dans la guerre. Elle y est restée. » Yves Leglise est le fils de Suzanne. C’est lui qui raconte aujourd’hui l’histoire de sa mère puisqu’elle n’est plus capable de le faire. En août 2010, Suzanne, qui vit seule dans l’arrière-pays niçois, part faire une promenade. Mais ne revient pas. Inquiet, son fils prévient la gendarmerie, qui ne lui laisse que peu d’espoir. Yves ne se décourage pas. Il organise des battues avec des voisins et quelques chiens. Au bout de trois jours, sa mère est finalement retrouvée, cachée dans un roncier. A 86 ans, ce sont ses réflexes qui lui ont sauvé la vie : sans eau ni nourriture, elle survit en léchant la rosée sur les feuilles qui l’entourent. Et malgré des griffures sur le corps, elle est indemne. Physiquement, en tout cas. Car psychologiquement, la rémission est plus compliquée. « Elle a cru être de nouveau à la guerre, explique Yves. Quand elle a entendu les gendarmes, elle a cru que c’était la Gestapo. C’est pour ça qu’on a mis autant de temps à la retrouver. Depuis, elle est très affaiblie. Quand lord Ashdown lui a montré la photo de Charles le Démolisseur, elle lui a affirmé qu’elle ne le reconnaissait pas. Pourtant, dès que nous avons eu le dos tourné, elle a confié à une de mes filles : “Surtout, il ne faut rien dire”. »

 

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